Comment peut-on devenir riche en Tunisie ? Rien de trop cérébral, après tout il faut être fidèle à sa nature tunisienne, pour être une femme ou un homme de terrain qui aime le concret pour y répondre. Pour devenir riche, il faut opter pour le secteur et le métier qui permet d’acquérir du fric le plutôt que possible et pour ce faire il faut investir dans l’immobilier commerce florissant jamais, ‘’never’’ en crise en Tunisie, ou être un banquier qui a pu grimper les échelons de la hiérarchie, ou encore être la femme du boucher ou du vendeur de fricassés du quartier ou le mari d’une rentière ou encore un politicien ayant profité du pouvoir pour en abuser et en faire la source de son enrichissement. Soit. Mais peut-on devenir riche sans forcément piller l’argent d’autrui ou détourner des fonds publics, sans pour autant profiter des autres ou encore sans attendre d’avoir des cheveux blancs… ou regarder les dizaines de films sur les braquages de banques et de bijouteries pour s’en inspirer ? C’est là toute la question.
Alors on se frotte les mains et disons pour commencer qu’il faut mettre de côté tous ces chiffres et statistiques qui parlent de la situation financière du Tunisien, tels que ceux avancés par L’INS.
La moitié de la population tunisienne est pauvre
L’expert en économie et en développement durable Hassine Rhili qui s’est exprimé, à ce propos, sur la radio IFM ne nous contredira pas, lui, qui considère que la moitié des Tunisiens sont pauvres « Nous sommes de pleine enjambée dans la pauvreté. Contrairement aux chiffres avancés par l’Institut national des statistiques, 45% de la population tunisienne est pauvre. 600 000 Tunisiens étaient considérés auparavant au bas de l’échelle de la classe moyenne sont devenus aujourd’hui pauvres et une grande partie des pauvres sont actuellement au dessus-du seuil de la pauvreté. » dit-il en ajoutant « Le dernier rapport de la banque mondiale pour la période de l’après pandémie, a estimé que le nombre des pauvres en Tunisie caracole les deux millions sept cent milles personnes … »
Si par chance vous n’êtes pas entrain de crever de faim au pays de l’huile d’olive et des épis de blé dorés qui poussent debout… il faut vous mettre à l’esprit que votre pouvoir d’achat sera tôt ou tard sacrifié sur l’autel des institutions bancaires internationales et des agences de notation financière qui à force de blâmes et de rappels à l’ordre finiront par nous renvoyer du globe terrestre. Pendant ce temps, les exilés fiscaux, les anciens politiciens au pouvoir continueront d’exprimer leurs inquiétudes pour la démocratie. Les donneurs de leçons continueront de vociférer leur mal du pays pour garder leur privilèges, sans oublier les nouveaux responsables au pouvoir et leur politique du’’ circulez- il n’y a rien à voir’’.
Paupériser le peuple pour mieux le gérer
Mais non, mais il faut tout de même garder espoir en notre pays et ses possibilités. Après tout, la Tunisie c’est le pays de l’huile d’olive, des figues de barbarie, des vastes pâturages et des grandes étendues de terres fertiles , des oasis aux eaux miroitantes, des plages au sable fin, …des fleurs d’orangers, du jasmin et du thym qui enivrent de leur odeur tout un chacun, pays de la « matière grise » ( pour paraphraser le leader national Bourguiba) et des femmes instruites, intelligentes et hautement qualifiées, … Pour comprendre donc les raisons de cette paupérisation sans précédent, il faut rappeler les quelques ‘’petites’’ péripéties comico-tragiques de la période de l’après 2011 qui a mis à genoux un pays trahi par ceux qui nous gouvernaient au nom de Dieu et de la loi qui brime et interdit .
Depuis dix ans nous avons assisté à la mise à mort d’un peuple en tuant en lui l’espoir pour mieux le manipuler, en l’abêtissant à coups de programmes médiatiques futiles et superflus, en s’attaquant à l’éducation nationale , en clochardisant les intellectuels, en faisant des idiots des leaders d’opinion, et des voleurs et corrompus des repères à suivre et des exemples de « success story » à imiter… Il faut en fait tout raconter, bride par bride, pour comprendre les raisons de l’appauvrissement de ce citoyen lambda qui ne vole pas, qui ne lorgne pas les biens d’autrui qui ne dilapide pas les deniers publics, qui ne s’agrippe pas au pouvoir, qui ne se la coule pas douce dans une administration publique, qui ne falsifie pas ses diplômes et ceux de ses enfants, qui ne grille pas le feu rouge, qui fait la queue et ne se faufile pas dans les rangées pour arriver le premier…C’est à ce citoyen qu’ on a toujours fait comprendre que son pays est pauvre, sans ressources naturelles, alors que la réalité des choses dit que son appauvrissement est plutôt moral et éthique.
Et si bon nombre parmi les pauvres ont décidé de rester debout, en aucun cas prêts à baisser les yeux sur ce qui se trame dans les coulisses de la trahison, c’est qu’ils ont compris que la vraie richesse n’est pas celle que mesure Moody’s et compagnies ou celle qu’on quantifie selon la force de sa voiture blindée et de son habitation luxueuse,… La vraie richesse est dans cette capacité de croire ou pas dans le fait qu’on est davantage riche « aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain ».
Mona BEN GAMRA