Des chanteurs de Mezoued en col blanc … cela n’arrive qu’en Tunisie !
Avez-vous déjà vu un chanteur de Mezoued en col blanc ? Avez-vous imaginé, un jour, voir un ‘’Mezoued men’’ , le célèbre Salah Farzit, qu’on a l’habitude de voir en ‘’Dengri’’ et arborant sa ‘’Chachia’’ porter un smoking et se comporter sur scène en gentleman ? Ou encore un Fawzi Ben Gamra, lui aussi un chanteur de Mezoued interprétant ses chansons qu’un orchestre symphonique jouait, ne tarissant pas d’éloge à cette formation musicale qui l’accompagnait sous la direction du maetro Chadi Garfi ? Eh bien tout cela ne peut qu’arriver qu’en Tunisie. Et c’est le fruit d’une belle expérience qu’on espère se renouveler et se fignoler dans l’avenir.
C’était bel et bien une belle surprise. Une heureuse expérience qui portait bien son nom : ‘’Ode à la joie’’ qui nous rappelle la 9ème symphonie de Beethoven. Alors dites-vous comment cela peut-il arriver, mélanger de la musique symphonique à du chant mezoued ? Eh bien cette initiative, par ailleurs, courageuse ne peut qu’être encouragée puisque déjà le spectacle du 24 juillet 2022 au Festival international de Hammamet était une pure réussite. Le public adhère. Le public aime ce joli mélange entre instruments de la musique symphonique et chants aux rythmes syncopés d’un mezoued qu’on croyait à tort être réservé à la ‘’populasse’’ ou aux petites gens qui n’ont que ce moyen pour se défouler et se déhancher. La première des choses à faire pour apprécier ce spectacle est, donc, de laisser de côté tous les a priori, tous les préjugés et les idées reçues sur notre art du mezoued qui finalement n’est autre que le reflet d’une frange de notre société qu’on a longtemps taxé de populaire. D’un autre côté il y a la musique symphonique, réservé à l’élite intellectuelle, un art occidental aux notes rigoureuses et verticales. Mais peut-on combiner le mezoued à la musique symphonique ? Certaines mauvaises logues décriront ce mélange comme étant bâtard d’autres vous diront qu’on aurait de la sorte imbriqué l’un dans l’autre l’art de deux couches sociales tunisiennes, ou encore on aurait entrepris une brèche dans le monde de l’art en imaginant des mélanges artistiques qu’on croyait à tort ne jamais se compléter.
Ode à la joie … ode à la vie
« Ode à la joie » est le titre donné à la soirée musicale du 24 juillet 2022, conduite par le virtuose Chadi Garfi et son orchestre, en la compagnie du chanteur de mezoued Fawzi Ben Gamra et l’iconique Salah Farzit. Sans oublier la présence de Haythem Lahdhiri, voix incontournable de la scène symphonique tunisienne. Qui dit Salah Farzit dit aussi ses morceaux populaires « Irdha Alina ya Lommima » et « Chrigui Bigui Bow » qu’il a chanté tout en étant accompagné d’un orchestre symphonique. Fawzi Ben Gamra à son tour n’a pas démérité en reprenant ses célèbres chansons de mezoued et en rappelant que c’est une aubaine de se retrouver sur scène avec l’icone du chant populaire Salah Farzit. « Cette soirée est mémorable et marque déjà mes 30 ans de carrière » a-t-il dit. La chanson ‘’Jit ennoum il mouj Glebni’’ a été reprise deux fois à la demande du public.
L’orchestre symphonique a, par ailleurs, interprété ‘’Ode à l’amour’’, le morceau célèbre de la 9ème symphonie de Beethoven au début de la soirée tout comme l’hymne national, en musique symphonique comme une belle entrée en matière avant de changer de registre et d’interpréter des chansons de l’art populaire tunisien.
L’art populaire ne l’est plus
Mais peut-on pour autant le nommer de la sorte ‘’art populaire’’ ou ‘’chant populaire’’ avec toutes les acceptions réductrices et ébréchées que le terme peut porter ? Plus jamais cela à partir du moment où le public présent réclamait du chant mezoued et ne lésinait pas à l’apprécier se jouant avec des instruments de musique symphonique. Le mélange prend et c’est bien cela la Tunisie qu’on aime voir, une Tunisie qui n’insulte pas son histoire de l’art quelque soit sa provenance et qui voit le mélange des genres comme une opportunité qu’on se devrait de saisir et d’encourager. Alors on danse ?
Mona BEN GAMRA